Bernard
BUFFET
 
     
 
"Ma vie, c'est la galerie, c'est la peinture de Bernard"
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Iconographie

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Maurice Garnier et Bernard Buffet,
portraits croisés.


Interview réalisée le 26 novembre 2002

par Christophe Berteaux pour la revue " 11, rue Royale "


Galerie Les Artistes Témoins 96, rue Stanislas 54000 Nancy
Maurice Garnier
Monsieur Maurice GARNIER - 19 septembre 2001



Deux rencontres capitales ont marqué votre vie professionnelle. La première est celle avec Emmanuel David. Pourriez-vous nous l'évoquer ?
Je l'ai connu en 1945, juste à la fin de la guerre. Il avait une galerie de tableaux, 52, rue du Faubourg Saint-Honoré. C'était un marchand très actif et il m'a donné l'envie de faire ce métier. J'ai vraiment tout appris grâce à Emmanuel David. Je lui dois ma situation.


Celle-ci paraît en effet décisive car, le 1er juin 1946, vous ouvrez la Galerie Visconti, au 35 de la rue de Seine. Vous souvenez-vous de votre premier accrochage ?
Oui, parfaitement ! Je me souviens même, dans la précipitation, d'avoir accroché un tableau de Vlaminck à l'envers… C'était un bouquet de fleurs, mais nous nous en sommes aperçus très rapidement.
C'est d'ailleurs Emmanuel David qui m'a aidé à trouver cette galerie. Je travaillais alors comme lui. C'est à dire que nous vendions ce que l'on appelait les Tableaux de Maîtres. Des peintres connus qui allaient de Renoir à Utrillo, en passant par Picasso, Braque, Matisse, …
Il y avait une vingtaine de peintres que tout Paris vendait. Hormis Renoir qui était d'une autre génération, ils étaient tous vivants, tous produisaient, tous vendaient très bien.
C'était aussi une époque où le monde entier venait encore acheter à Paris. Le marché était très vivant et le grand mérite d'Emmanuel David est d'avoir été le premier à s'occuper de jeunes peintres, et non pas simplement de vivre très agréablement, comme tout le monde le faisait, en achetant un Utrillo, un Marquet ou un Dufy et en le revendant… Alors, j'ai voulu suivre son exemple en m'occupant de jeunes artistes.
Ce que l'on gagnait avec les plus âgés, on le dépensait pour les plus jeunes !



La seconde rencontre est exceptionnelle. Il s'agit de Bernard Buffet. Dans quelles circonstances a-t-elle eu lieu ?

Je l'ai connu tout d'abord à travers ses tableaux, ou plutôt un de ses tableaux, "le Buveur", qu'il avait envoyé au Prix de la Jeune Peinture à la Galerie Drouant-David. Ce prix, doté financièrement, avait pour but d'aider les artistes de la jeune génération.
Le Prix échappa à l'artiste à la suite d'un combat féroce entre plusieurs membres du Jury dont le Docteur Girardin qui, furieux, quitta l'assemblée. Les réactions passionnées des uns et des autres attirèrent l'attention d'Emmanuel David et la mienne. Nous vécurent ainsi pendant quinze jours avec l'œuvre du jeune peintre.
Emmanuel David se rendit alors chez Bernard Buffet et lui proposa immédiatement un contrat pour être son marchand exclusif.



Qu'est ce qui, d'emblée, vous a attiré chez lui ?
Le personnage était très renfermé, comme je l'étais moi-même à l'époque. Nous étions deux introvertis et nos rencontres étaient le plus souvent muettes.
Mais parlons plutôt de sa peinture ! Ce qui m'a frappé, c'est son œuvre. Celle-ci était tellement différente de tous les autres artistes. Tellement plus forte, plus caractéristique.
Nous avions la chance d'avoir à la galerie une vingtaine de jeunes peintres. Lorsqu'un autre arrivait et que celui-ci se nommait Bernard Buffet, il faisait toute la différence.
Lui, c'était un grand créateur.



Jean Bouret, ardent défenseur de l'artiste, écrira plus tard "Maurice Garnier est entré dans la peinture de Bernard Buffet comme on entre en religion". Qu'en pensez-vous ?

Ce qui est étonnant, c'est que Jean Bouret, pour lequel j'avais beaucoup d'amitié, se soit rendu compte de cela aussi tôt. Ce jugement est tout à fait exact mais beaucoup plus facile à émettre vingt ans plus tard… En 1958, je travaillais avec Bernard Buffet depuis dix ans.


Une relation très forte s'est alors instauré entre vous ...
Certainement, quelque chose de très fort. Au début, et même jusqu'à la fin, notre relation a été très intense, mais muette. Très peu de mots, nous communiquions par des gestes et des regards d'une grande intensité. La présence et la confiance suffisaient.
Mon cas est peut-être unique par la durée du travail avec un artiste. Le mérite en revient à Bernard Buffet, pas à moi, car généralement ce sont les artistes qui veulent changer de marchand. Chez un peintre, l'infidélité est une preuve de liberté.
Bernard Buffet m'a pourtant été fidèle pendant 51 ans, voire 54 ans depuis sa disparition.
Il m'a fait confiance pour la commercialisation et l'exposition de son œuvre, mais également, cas encore plus rare, pour la gestion de sa vie privée.
Bernard Buffet ne connaissait pas le prix de vente de ses tableaux, il ne savait pas ce qu'il gagnait chaque année, il ne connaissait pas le montant de son patrimoine.
Je devais tout gérer. A sa mort, j'étais persuadé qu'Annabel me demanderait, ne serait-ce que pour se rassurer, savoir où elle en était et comment elle pourrait vivre… Elle ne m'a rien demandé ! Elle n'a surtout rien voulu savoir…
Je continue dans les même conditions, avec la même fidélité, la même confiance.
Mais ce sont eux qui en ont le mérite, ce n'est pas moi.



Au début, la Galerie Drouant-David exposait les peintures de Bernard Buffet, tandis que la Galerie Visconti présentait les œuvres sur papier. Pourquoi ce choix ?
Très vite, lorsque Emmanuel David a fait ce contrat avec Bernard Buffet, il s'est trouvé qu'Armand Drouant n'appréciait guère sa peinture. Cela dérangeait beaucoup Bernard Buffet. Alors, Emmanuel David m'a demandé si j'acceptais de partager le contrat. J'étais bien sur enchanté de cette proposition et c'est ce qui nous a amené à faire, grande innovation pour l'époque, deux expositions en même temps : Peintures à l'huile à la Galerie Drouant-David, parfois de très grands formats, et à la Galerie Visconti, techniques mixtes et dessins.


A partir de 1951, Bernard Buffet décide de travailler sur un seul thème pour chacune de ses expositions annuelles. Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
A partir de 1949, Bernard Buffet avait pris l'habitude d'exposer tous les ans à la Galerie Drouant-David. Il s'est aperçu qu'il risquait de se répéter. Tandis que s'il choisissait un thème, cela lui permettait d'avoir un renouvellement plus important.


Interveniez-vous dans la sélection ou l'orientation de ceux-ci ?
Non, pas du tout ! Cependant, il est arrivé à deux reprises que des thèmes suggérés soient exploités. Il s'agit pour le premier de "Don Quichotte". Yann le Pichon, l'auteur d'un important ouvrage sur l'artiste, évoqua ce thème en sa présence. Sur le moment, Bernard Buffet n'était pas du tout intéressé, mais trois ans plus tard…
La seconde fois, je lui ai suggéré de faire l'exposition des "Singes", une des toutes dernières, qui était assez étonnante.
Bernard Buffet m'avait fait quelques petits tableaux de singes, des 40 et des 50. Je pensais que des 100 ou des 120 sur ce thème mériteraient, à eux seuls, de faire une exposition. Il s'y attela. Ce fut une splendide exposition, qui était à la fois belle, forte et émouvante.



Les années 1955/1960 sont particulièrement fastes : La première place du référendum Connaissance des Arts, l'exposition "100 Tableaux" à la Galerie Charpentier, la salle qui lui est consacrée à la Biennale de Venise, entre autres. Les articles et les reportages se succèdent. La presse ne parle plus que du "Phénomène Buffet" mais ne retient, pour un peintre jugé misérabiliste, que sa réussite financière et commerciale.
Est-ce en France les prémices d'une incompréhension, voire le début d'une sorte de Purgatoire ?

Oui, absolument ! Il y a eu plusieurs raisons, en 1958, qui ont fait basculer Bernard Buffet dans l'incompréhension vis-à-vis des pouvoirs officiels, mais pas du grand public.
Justement, c'est son succès auprès du plus grand nombre qui a déplu. André Malraux, en créant le Ministère des Affaires Culturelles, à voulu soutenir l'art abstrait, ce qui était tout à fait légitime. Mais pour cela, il fallait évincer, éliminer Bernard Buffet car l'artiste était "encombrant". Il marquait trop fortement la continuité de la peinture classique, figurative.
Bernard Buffet a été trop tôt considéré comme un "phénomène". Il n'avait que trente ans !



La peinture de Bernard Buffet est présente à l'étranger dès 1950 et au Japon à partir de 1961. En 1963, le Musée d'Art Moderne de Tokyo organise une première rétrospective qui sera suivie, dix ans plus tard, de l'ouverture d'un Musée Bernard Buffet. Comment expliquez-vous l'engouement du public japonais ?
Au Japon, jusqu'à l'année 1961, la sortie de devises pour l'achat de peinture était interdite. Cette interdiction levée, nous avons bénéficié de la visite d'un marchand japonais. En découvrant la peinture de Bernard Buffet, il eut un véritable coup de foudre et il fut le premier à le présenter au Japon. Les amateurs japonais furent immédiatement séduits, retrouvant dans ses cernes noires, les estampes japonaises.


Les expositions annuelles se succèdent avec succès : "Horreur de la guerre", "Le Cirque", "Les Folles"… En 1977, vous décidez de vous séparer des autres artistes de la Galerie pour ne vous consacrer qu'à la promotion et à la défense exclusive de la peinture de Bernard Buffet. Cette décision vous semblait-elle évidente ?

Oui, j'y ai été contraint. Contraint par "l'envahissement" de Bernard Buffet, par l'importance de son œuvre, de sa réussite et du travail que je devais faire pour lui. J'avais fait pour d'autres, grâce à ce que je gagnais avec Bernard Buffet, ce que je n'avais pas encore fait pour lui, notamment l'édition d'ouvrages. J'ai trouvé que ce n'était pas normal.
Et puis, aucun artiste ne m'avait accordé une telle confiance.



Quelles furent les réactions des artistes dont vous vous sépariez ?
Je pense qu'ils ont parfaitement compris et ils ont été absolument parfaits vis-à-vis de moi. Je suis resté en très bons termes avec eux.


Bernard Buffet entretenait-il des contacts avec les artistes de votre Galerie ?
Très peu, mais c'est lui qui m'a poussé à prendre d'autres artistes sous contrat. A l'origine, nous avions ici trois peintres : Jean Carzou, André Marchand et Bernard Buffet.
Bernard Buffet m'a suggéré de m'intéresser à André Minaux, Michel de Gallard, Jean Jansem. C'était tous d'excellents peintres. Je les ai contactés et ils sont venus tout naturellement à la Galerie.



Durant cette période, vous accordez une place particulièrement importante à l'œuvre gravée et lithographiée de Bernard Buffet. Vous éditez deux superbes ouvrages, "L'Enfer de Dante" et "La Révolution Française" et par la suite, la quasi-totalité des lithographies et gravures de l'artiste. Bernard Buffet considérait-il l'estampe comme le prolongement de sa peinture ?
Non, l'estampe pour Bernard Buffet était un moyen d'expression différent. Cela lui permettait une rupture avec la peinture à l'huile. Il allait à l'imprimerie Lacourière-Frélaut pour les gravures, ou chez Mourlot pour les lithographies. Il voyait d'autres gens et évoluait dans un milieu qu'il appréciait énormément. Les estampes de Bernard Buffet avaient beaucoup de succès. Nous touchions ainsi un public plus jeune.
Tout au début, nous vendions les tableaux de Bernard Buffet très, très bon marché et nous les vendions avec une énorme facilité. Et puis, nous avons été obligé d'augmenter les prix et lorsque les prix augmentent, la clientèle se réduit.
L'estampe nous a permis de séduire une nouvelle génération d'amateurs.



Les deux dernières décennies ont consacré l'œuvre de Bernard Buffet à travers le monde, tant par le nombre de rétrospectives que d'ouvrages publiés à son sujet. Vous êtes à l'origine de ce succès international. Comment l'artiste jugeait-il votre engagement et votre action ?
Aussi bien lui que moi trouvions cela normal. On le faisait car il fallait le faire. Après coup, on se dit pourquoi ?, comment ?. Mais sur le moment, on ne réfléchissait pas.
Lorsque j'ai commencé à faire ce métier, là aussi, je ne me suis pas posé la question…
J'aimais, je faisais ! J'ai aimé Bernard Buffet, j'ai acheté Bernard Buffet, je me suis occupé de Bernard Buffet. Au départ, je ne pensais même pas que tout cela prendrait une telle ampleur. Je n'en avais aucune idée.



On a beaucoup reproché à Bernard Buffet de trop produire, au regard de sa précocité et de son parcours. L'artiste n'était-il pas plutôt dominé par une nécessité vitale de peindre?

Exactement, et c'est pour cela, quand il n'a plus pu peindre, qu'il s'est donné la mort.
Il nous avait prévenu depuis plusieurs années, "le jour où je ne pourrai plus peindre, je me suiciderai". Sa respiration, c'était sa peinture.
Huit mille œuvres, peintures à l'huile et aquarelles confondues, cela ne représente, pour un peintre aussi fécond que Bernard Buffet, que cent cinquante pièces par an.



Le thème pour l'exposition de Février 2000 était "La Mort". Bernard Buffet vous a alors confié que cette exposition serait la dernière. Comment aviez-vous perçu ses propos ?
J'ai compris alors qu'il ne serait plus là pour cette exposition. Bernard Buffet était atteint de la maladie de Parkinson. Celle-ci s'aggravait et il en était conscient.
En juin 1999, il s'était cassé le poignet droit, il ne pouvait plus peindre.
En septembre, hospitalisé de nouveau à l'Hôpital Américain, il me demanda de venir le voir tous les jours. Il y tenait beaucoup.
Un jour, Annabel qui en revenait me conseilla de ne pas m'y rendre tant l'humeur de Bernard était mauvaise. Bien sur, j'y suis allé. Il fut absolument charmant. Nos rapports sont toujours restés très distanciés et très intimes, tant par la courtoisie que par l'affectif. Nous nous sommes d'ailleurs toujours vouvoyés. A la fin de ma visite, il m'a annoncé qu'il allait se suicider.
Le 4 octobre 1999, je n'ai pas été surpris en apprenant son geste.



L'exposition de Février 2001 s'intitulait "Tableaux pour un Musée". Vous vous battez depuis vingt ans pour la création d'un musée Bernard Buffet en France. Votre projet à Colmar est-il en bonne voie ?
J'ai toujours gardé des tableaux des peintres avec lesquels je travaillais. Mais depuis les années 60, j'avais dans la tête d'acheter des tableaux de Bernard Buffet pour faire un musée. Mes choix étaient orientés, non plus vers des œuvres que j'aurais aimé accrocher chez moi, mais vers des pièces que j'aurais eu envie de présenter dans un musée.
Il faut dire aussi que sa générosité était exceptionnelle. A Noël et à chacun de mes anniversaires, il m'offrait un tableau.
Concernant Colmar, nous n'avons pas encore bouclé le financement pour les travaux. Nous avons les locaux, l'engagement de la Municipalité mais il faut adapter le lieu à sa fonction et le mécène que nous avions trouvé a suspendu son engagement après les événements du 11 septembre 2001.



Quelques œuvres de l'artiste figuraient en bonne place dans l'exposition "Cher peintre", qui s'est tenue cette année au Centre Georges Pompidou. Jean-Louis Pinte écrivait dans le Figaro Madame du 27 juillet 2002, "Bernard Buffet rappelle qu'il fut un excellent peintre". Pensez-vous que l'on assiste à la fin du "désamour" qui existe depuis des décennies entre les institutions françaises et Bernard Buffet?
Non ! Cela continue et cela continuera encore pendant un certain temps. C'est d'ailleurs pour cette raison que je veux créer ce Musée. Les amateurs d'art pourront alors juger "sur pièce" ! La peinture de Bernard Buffet n'a jamais laissé personne indifférent.
A l'heure actuelle, je regrette aussi de ne pas pouvoir obtenir une rétrospective de son œuvre à Paris. Il y a un réel blocage.



Les œuvres de Bernard Buffet sont omniprésentes sur le marché de l'art, en France comme à l'étranger. Depuis la disparition de l'artiste, comment s'organise l'activité et la programmation de la Galerie ?
Depuis Février 2000, je fais chaque année une exposition, sorte de rétrospective fractionnée, par ordre chronologique. En l'absence d'un lieu officiel pour l'accueillir, j'ai trouvé ce moyen pour montrer aux plus jeunes les œuvres anciennes de l'artiste. Cela permet aussi d'imaginer le futur Musée, car toutes les œuvres présentées y figureront.
Pour Février 2003, nous proposerons la troisième partie de "Tableaux pour un Musée", pour la période 1950-1955.
Je continue également à m'occuper de la sélection et de l'organisation d'expositions ; commerciales chez les confrères, de prestige pour les institutions. Le second marché étant particulièrement actif pour les œuvres de Bernard Buffet, je réponds aussi aux nombreuses demandes de certificats d'authenticité venant du monde entier. Nous terminons la préparation du troisième tome de l'ouvrage de Yann le Pichon et nous travaillons également à l'établissement du catalogue raisonné des œuvres de l'artiste.



Actuellement, quels sont les projets qui vous tiennent le plus à cœur, pour assurer la pérennité de l'œuvre de Bernard Buffet ?
Une rétrospective à Paris et puis bien sur la création du Musée. Outre les œuvres, je donnerai, dans le cadre d'une fondation, 54 années d'archives et une photothèque complète à plus de 95 %. Cela permettra l'édition en plusieurs tomes du catalogue raisonné.


N'avez-vous jamais eu envie de raconter votre histoire commune ?
Je ne suis pas écrivain !
Au départ, j'étais comme Bernard Buffet, totalement introverti. Il était plus facile de l'être dans une galerie rue de Seine que dans une galerie avenue Matignon. On disait à l'époque que j'étais le seul marchand de Paris à pouvoir vendre des tableaux sans parler...
Alors, peu à peu, avec l'expérience, les circonstances, la galerie, je suis sorti de cette introversion, sans pour autant devenir médiatique. Les choses ont changé. Maintenant, je parle parce que j'ai un sujet sur lequel je peux m'exprimer et qui est inépuisable.
En revanche, j'ai toujours regretté que Bernard Buffet n'ait jamais voulu me parler de sa peinture. Pour lui, il peignait, et puis c'était tout !



Avec le recul, quel regard portez-vous sur l'extraordinaire relation que vous avez entretenue, pendant plus de cinquante années, avec Bernard Buffet ?
La phrase de Jean Bouret s'est révélée tout à fait exacte. J'ai consacré ma vie à Bernard Buffet. Ma vie, ma famille, mes enfants, c'était Bernard Buffet et c'est sans doute l'une des raisons pour laquelle je me suis marié tard. Nous formions un "couple", et comme dans tous les couples, nous passions de l'amour à la haine. Fort heureusement, les hauts étaient tellement forts que je pouvais supporter les bas, tant la fidélité et la confiance dont il faisait preuve à mon égard était grande.
Aujourd'hui encore, je continue à m'occuper d'Annabel et de leurs enfants, de la même façon. J'ai mis ma vie au service de Bernard Buffet et j'ai été récompensé de mon acharnement. J'ai toujours trouvé cela normal et logique.
Ma vie, c'est la galerie, c'est la peinture de Bernard.



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