Bernard
BUFFET
 
     
 
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Bernard Buffet
Bernard Buffet
Maurice Garnier - 1949

huile sur toile - 125 x 47 cm
©ADAGP


Annabel Buffet
Madame Annabel Buffet - 18 septembre 2001
Annabel Buffet
10.05.28 / 03.08.05
"Merci Maurice.

Merci pour tout.

Si Bernard était là, il serait heureux.
"



Maurice Garnier
Monsieur Maurice Garnier - 19 septembre 2001
interview
de Mr Maurice Garnier


L'amitié est un sentiment essentiel et rare sans lequel ma vie serait un désert affectif insupportable. Celle qui lie Maurice Garnier à Bernard Buffet depuis un demi-siècle est exemplaire. Si il en était besoin, cette seconde exposition des toiles destinées au Musée Bernard Buffet de Colmar en serait une preuve irréfutable. L'idée de reprendre l'oeuvre de Bernard à ses débuts et de nous la montrer, année après année comme on feuillette l'histoire d'un homme, est de lui et je la trouve merveilleuse. J'avoue avoir été profondément émue lorsque Maurice m'a fait part de sa décision de maintenir le vernissage de Février comme si de rien n'était. Le premier Jeudi de Février est à mes yeux un rite et j'aurais terriblement souffert d'avoir à y renoncer. Je m'y rends comme à un rendez-vous d'amour avec celui que j'aime et qui, même absent, m'habite toute entière. Pendant quelques heures j'ai l'illusion qu'il est encore vivant.

Sur le bureau où j'écris ces lignes sont étalées les photos des tableaux choisis pour composer ce que j'appellerai le Chapitre ll du Musée Bernard Buffet. Mon rôle n'est pas de tenir de longs et savants discours sur la peinture. De toute façon mon parti pris évident m'ôterait toute crédibilité. Par contre je peux parler de mes émotions. J'avoue être en admiration devant l'évolution et la maturité que révèlent ces oeuvres crées en quatre ans. A la sûreté du trait que Bernard possédait d'instinct, à son respect du dessin s'ajoute soudain le travail de la matière. Les nus sur les canapés et l'Horreur de la Guerre sont à mes yeux des chefs d'oeuvre de composition et de peinture proprement dite. Il venait d'avoir 25 ans. Il était célébré comme un jeune prodige. Il aurait pu s'installer dans cette gloire précoce. Mais Bernard refusait la facilité. Il a toujours voulu aller plus loin, plus haut. Il nous l'a d'ailleurs prouvé.

J'avance trop vite dans le temps. Pour découvrir la suite il faudra attendre l'année prochaine ou mieux encore l'inauguration du Musée.

Merci Maurice. Merci pour tout. Si Bernard était là, il serait heureux.


septembre 2001


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Les années se succèdent inexorablement. Trois ans déjà, trois ans seulement se sont écoulés depuis la mort de Bernard Buffet. L'homme, celui que j'aimais, n'est plus là mais grâce à Maurice Garnier le peintre est toujours vivant. Avec une énergie enviable et une ténacité exemplaire Maurice continue, jour après jour, à bâtir le Musée qu'il veut offrir, envers et contre tous, à celui qu'il aime et qu'il admire. Préserver l'oeuvre de Bernard est devenu sa raison d'être. Il a voulu que perdurent les traditionnels vernissages du premier jeudi de février. Comme les chapitres d'un livre, ils racontent en images la vie d'un artiste exceptionnel. Nous voici arrivés au chapitre trois. Il débute en 1955 pour nous amener jusqu'en 1959. Un choix d'oeuvres qui me plaît tout particulièrement par l'étendue et la variété des inspirations qu'il démontre. A quelques pas du bureau sur lequel j'écris ces lignes, j'ai posé le jeu de jaquet qui lui a longtemps servi de modèle. Les cafetières décorent ma cuisine. Des objets anodins qui restent à mes yeux imprégnés de souvenirs de bonheur. Marquée par sa présence je ne sais pas non plus regarder un paysage réel sans avoir la sensation de me promener dans un bateau peint par lui. Cet été j'étais à Paris le 15 août et Notre-Dame ressemblait à s'y méprendre au portrait désert et serein qu'il en a fait.

Les toiles qu'il consacre au cirque sont à mon avis une admirable démonstration de la puissance de son trait et de la maîtrise du dessin qui caractérisent l'ensemble de son oeuvre. Je comprends très bien que certaines personnes n'aiment pas ses tableaux; l'art est une question d'émotion, une réaction spontanée. Par contre je n'accepte pas que l'on récuse son talent de peintre. Son métier était son oxygène; il y a consacré sa vie avec une générosité et une honnêteté indiscutables.

Nous nous sommes connus en 1958. Après quelques semaines d'errance dues aux complications provoquées par nos amours inattendus, nous nous étions cachés à Saint-Tropez dans une petite maison proche de la chapelle Saint-Anne. Nous y vivions reclus et heureux. Il avait suffi de quarante-huit heures à Bernard pour transformer le garage en atelier. Dans un coin il m'avait installé une table et une chaise où je travaillais à mon premier roman. C'est là que je l'ai vu peindre pour la première fois. C'est là que j'ai vu naître les paysages de New-York. Des instants privilégiés, fascinants que je n'oublierai jamais. Des moments bouleversants ... aveuglants de vérité qui m'ont fait comprendre que j'aimais un homme hors du commun, unique, incomparable que rien ni personne ne pourrait remplacer dans ma vie. Il était mon amant. Il est devenu mon Maître. Il l'est resté.

Quand Bernard est parti en m'abandonnant à un vide insondable on me disait pour me consoler qu'il ne fallait pas que je pleure, qu'il était immortel, que son oeuvre veillerait sur moi. Des propos qui continuent à m'exaspérer. Et pourtant ! Lorsque je pose les yeux sur ce corps nu allongé sur un fond rose je me dis que je ne serai jamais vieille, ni grosse, ni laide. Je serai à jamais telle qu'il m'a aimé.

Merci Chéri pour tout ce que tu continues à me donner.


septembre 2002